Paolino
ESPOSITO di A.G.P. di Napoli
par Marie-Hélène CHOQUET et Annie SINTÈS
La
storia di Paolino MORMILE, procidano di Algeri (27/05/2005 -
ProcidaOggi)
Tout commence à Naples, au cours de la nuit du 27
au 28 juin 1825, vers une heure du matin, un petit garçon est déposé à
travers la "ruota" de l’Orphelinat de l’Annunziata.

L'entrée minuscule de la "ruota" condamnée
depuis 1875
se trouve dans la rue "via Annunziata"
qui longe ce qui est devenu aujourd'hui un hôpital pour enfants. |

De l'autre côté se trouve l'ouverture du tambour en
bois de la "ruota",
d'où était extrait
l'enfant ainsi déposé.
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Dans la journée qui suivit,
soeur Maria Rachele Esposito présente l’enfant à un officier d’état civil
qui l’examine et rédige un acte où il consigne quelques informations
précieuses.

dessin d'enfant |
L’enfant est vêtu de haillons. Comme
son âge est estimé à environ huit mois, il serait donc né au cours
de l’automne 1824, sans doute vers le mois d’octobre. Il n’a pas été
abandonné dès la naissance, contrairement à d’autres nourrissons, ce
qui nous laisse penser que ses parents ont essayé de le garder et
que, sans doute dans l’incapacité de continuer à le nourrir, ils se
sont résolus à l’abandonner, pour son bien. L’acte nous dit enfin
que l’enfant provient de "Terra di Lavoro", ce qui correspond
aujourd’hui à la province de Caserta, au nord de Naples.
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L’enfant est alors nommé
Paolino Mormile. Le choix de son patronyme continue à nous intriguer.
Une chose est sûre, "Mormile" est un nom fréquent dans la région de
Naples, et plus particulièrement à Caserta. De plus, c’est notamment le nom
d’un des bienfaiteurs de l’Annunziata...
Nous ignorons le temps que Paolino a passé dans
l’établissement. Mais grâce aux registres de "lo Stato delle Anime"
conservés à l'abbaye de Procida, le recensement établi par les prêtres de la
paroisse, nous savons qu’en octobre 1835, Paolino vit à Procida ! Il est
noté qu'il est alors âgé de 11 ans. Il a été recueilli par une famille de
pêcheurs de la Corricella, Antonio Scotto di Vettimo, et son épouse
Maria Costagliola d'Abele. Le prêtre l'inscrit dans le registre sous
le nom de "Paolino Esposito di A.G.P. di Napoli".
Le terme "Esposito" n’était pas son
patronyme mais servait à distinguer l'enfant adopté des autres enfants.
L'abréviation "A.G.P." signifie "Ave Gratia Plena" et
n'est autre que l'inscription portée sur la façade de l'église de l'Annunziata.

La façade de la Basilique de la "Santissima
Annunziata Maggiore A.G.P."
En 1835 à Procida, sous le même toit vivent alors
deux des quatre enfants légitimes d’Antonio et Maria : Michele, âgé de 30
ans, et Nicola, âgé de 26 ans, ce dernier ayant épousé Rachele Verde, âgée
de 22 ans, qui vit donc à ce moment-là chez ses beaux parents. Pour
l’anecdote, on notera que Nicola et Rachele ne sont autres que les
arrière-arrière-grands-parents de notre Président, Pascal Scotto di Vettimo
! Inutile de dire quelle fut notre émotion lorsque nous avons découvert ce
lien qui unit nos familles et nos histoires respectives.

Extrait de "lo Stato delle Anime" 1835
Détail autant intéressant qu'inattendu : la même
page du registre de "lo Stato delle Anime" nous apprend que les
voisins forment aussi une famille "Scotto di Vettimo", sans lien
familial proche : Crescenzo, le père, Maria Riccio, la mère, et deux
fillettes de 4 et 2 ans, Catarina et Lucia. Or, dix ans plus tard, le 2
décembre 1845, dans l'église de "Santa Maria delle Grazie" à la
Corricella, Paolino, âgé de 21 ans, épousera sa jeune voisine, la dite
Catarina Scotto di Vettimo, âgée de 14 ans seulement!
Paolino et Catarina vont quitter Procida entre
1845 et 1850 pour s’installer définitivement à Alger où Paolino exerce alors
le métier de marin. Ils ont treize enfants dont l’aîné, notre arrière
grand-père Antoine Mormile, né à Alger le 12 mai 1851 et vraisemblablement
nommé Antoine en souvenir d'Antonio Scotto di Vettimo qui accueillit
autrefois sous son toit l’enfant abandonné.
Naturalisé français en 1894, le capitaine marin
Paolino Mormile finira ses jours à Alger, où il décède le 6 juin 1903, à
l’âge de 78 ans.
2004 le retour aux sources
En mai 2004, nous décidons d’aller retrouver nos racines italiennes.
Arrivées à Naples, nous commençons notre visite par l’Orphelinat. Au fond
d’une ruelle noire du quartier pauvre de Forcella, un campanile jaune et
gris nous sourit : c’est la "Santissima Annunziata". Sous le porche,
nous franchissons, le cœur battant, un grand portail de bois. Dans la cour
sont affichés des dessins d’enfants du quartier sur les "orfani di Napoli".
Ces dessins sont remarquables car ils montrent la douleur des mères qui
venaient déposer leur bébé.
Soudain deux petits "scugnizzi" (gamins de
Naples) entrent dans la cour, le cartable sur le dos. Nous leur demandons où
se trouve la "ruota" où l’on déposait les enfants. Là, ils nous font
signe de les suivre et au fond d’un petit couloir, nous découvrons avec émoi
un grand coffre de bois enfermant une boîte qui tourne encore ! La maman
déposait "il bambino" et sonnait une cloche; de l’autre côté, une religieuse
de l’orphelinat prenait le bébé, notait tout signe distinctif puis le lavait
et le séchait. Les explications des deux "scugnizzi" nous ravissent
et nous leur racontons que notre ancêtre a été déposé ici en 1825. Ils
échangent un regard stupéfait et ne veulent plus nous quitter.

La Corricella - 2004 |
La deuxième étape
émouvante de notre voyage fut notre arrivée à Procida et la
découverte éblouissante de la Corricella, lieu magique et inchangé
depuis plus de 150 ans.
En parcourant de long en large le quai de
cette marina, nous imaginions la vie de notre aïeul, dans une de ces
maisons de pêcheurs. |
Mais aujourd'hui grâce à
l'Association et à notre Président, nous avons pu répondre à nos
interrogations et peu à peu reconstituer l'histoire de notre ancêtre mais
aussi et surtout comprendre sa vie et ses épreuves, ses joies et ses
souffrances...

Marie-Hélène CHOQUET et Annie
SINTÈS
Membres de "La Grande Famille de Procida"
Cet article est paru en mars 2005 sur le site Web et le 27 mai 2005 dans
ProcidaOggi |